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L'intégration des indemnités de congés payés dans le calcul de la réduction générale, le débat est loin d'être clos !

D'aucuns le savent, le calcul de la réduction générale attire toutes les convoitises : selon l'interprétation que l'on accepte de donner aux textes, la réduction de cotisation peut s'avérer particulièrement intéressante ou au contraire relativement décevante !

Le numérateur de la formule de calcul   censé être le reflet du temps de travail du salarié   fait l'objet d'intenses et nombreux débats parmi lesquels l'inclusion ou non des indemnités de congés payés.

L'URSSAF, avec la rigueur qu'on lui connait, a, ces dernières années, adopté une position particulièrement restrictive qui consiste à  rejeter   pour des raisons qui nous paraissent infondées et illégitimes   les indemnités de congés payés notamment à  l'égard des Conducteurs périodes scolaires (CPS) qui bénéficient, pour la plupart, d'une annualisation de leur temps de travail et donc de leur CP.

Troublée par le statut particulier de ces conducteurs, l'URSSAF a argué que ces conducteurs bénéficiaient d'une indemnité compensatrice de congés payés et non d'une indemnité de congés payés pour les exclure du numérateur de la formule.

Avec une certaine lucidité, la Cour d'appel de TOULOUSE a rappelé que les CPS ne bénéficiaient pas d'une indemnité compensatrice mais bien d'une indemnité de congés payés, les contrats de travail de ces conducteurs étant simplement suspendus en période de vacances scolaires et non rompus.

Toutefois et à  l'évidence, la Cour d'appel de TOULOUSE n'a pas poussé suffisamment loin son raisonnement et c'est ce qui a justifié le rendu d'un arrêt de Cour de cassation qui invalide la position de la Cour d'appel de TOULOUSE.

Et pour cause, la Cour d'appel de TOULOUSE avait légitimé l'intégration au numérateur de la formule de réduction les indemnités de congés payés versées à  des chauffeurs en période scolaire au motif que ces indemnités faisaient partie intégrante de la rémunération soumise à  cotisations.

Or, le fait que ces indemnités fassent partie de la rémunération du salarié permet simplement de justifier leur prise en compte au dénominateur de la formule et non au numérateur.

La cassation était donc logique en dépit d'une juste qualification de la nature de l'indemnité (ICP et non ICCP).

Pour parfaire son raisonnement et éviter la cassation, la Cour d'appel de TOULOUSE aurait également dû rappeler que le numérateur de la formule de calcul doit, conformément aux termes de l'article D. 241-7 du Code de la Sécurité Sociale, être composé de 1 820 heures ou de la durée contractuelle convenue, lesquelles inclues nécessairement les congés payés (1 607 heures de TTE + 213 heures de CP).

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 septembre 2021, 20-13.557, Inédit

On décortique l'arrêt pour vous :

Au cas présent, la cotisante a contesté un redressement qui lui a été notifié au titre de la réduction générale dans la mesure où l'agent chargé du recouvrement a considéré que "la variable salaire minimum de croissance retenue dans le calcul de ces allégements intègre des heures 'fictives' recalculées à  partir des indemnités compensatrices de congés payés versés en août 2012 et / ou 2013 sur la population de chauffeurs conducteurs en période scolaire."

En effet, la cotisante est une entreprise spécialisée dans les activités de transports routiers de voyageurs et, à  ce titre, elle emploie des chauffeurs en période scolaire (CPS) par contrat de travail à  durée indéterminée intermittent (CDII). 

Dans ce cadre, et conformément aux dispositions de la convention collective nationale, les salariés perçoivent le paiement de leurs congés payés en une seule fois à  la fin de la période scolaire   en l'espèce au mois d'août.

En défense, l'URSSAF a considéré que cette indemnité venait compenser des congés que les chauffeurs n'avaient pas pu prendre au cours de la période scolaire de sorte qu'il ne s'agissait pas d'un élément de rémunération pris en compte dans le calcul de la réduction générale mais d'une indemnité compensatrice de congés payés qui aurait due en être exclue.

En réponse, la cotisante a soutenu devant les juridictions que les agents chargés du recouvrement ont manifestement procédé par voie de confusion puisqu'ils ont retenu une qualification d'indemnité compensatrice de congés payés alors qu'il s'agissait, à  n'en point douter, d'une indemnité de congés payés. 

La cotisante poursuit le raisonnement en précisant que l'article D. 241-7 du Code de la Sécurité Sociale prévoit la prise en compte de certaines indemnités, telle que celle des congés payés, pour la détermination du calcul de la réduction générale. 

Sur ce, la Cour d'appel de TOULOUSE fait droit à  la demande d'annulation des redressements formulés par la cotisante en retenant deux points : 

  • L'indemnité versée par la Société correspond effectivement à  une indemnité de congés payés et non une indemnité compensatrice de congés payés.

  • L'indemnité de congés payés qui est due au salarié, sans contrepartie de travail effectif mais en contrepartie du travail effectué, est un accessoire de salaire par nature qui entre ainsi dans l'assiette des cotisations et fait effectivement partie intégrante de la rémunération, comme retenu par les premiers juges.

C'est sur ce dernier point que la Cour de cassation, à  juste titre, a entendu censurer l'arrêt de la Cour d'appel de TOULOUSE et ce, dans les termes suivants :

"Pour accueillir le recours de la société employant des conducteurs en périodes scolaires en contrat de travail intermittent et dire qu'elle est autorisée à  valoriser le salaire minimum de croissance annuel pris en compte pour le calcul de ce coefficient à  proportion du nombre d'heures correspondant au rapport entre l'indemnité de congés payés versée et le taux horaire « périodes scolaires » du conducteur concerné, l'arrêt énonce que l'indemnité de congés payés est un accessoire de salaire par nature qui entre dans l'assiette des cotisations et fait partie intégrante de la rémunération du salarié."

En pratique, on ne peut que s'accorder avec la décision de la deuxième chambre civile dans la mesure où il est désormais parfaitement acquis que la seule nature de rémunération comprise dans l'assiette des cotisations ne suffit pas à  justifier de la prise en compte d'un élément de rémunération au numérateur du coefficient de réduction générale. 

On rappellera à  cet égard les dispositions de l'article D. 241-7 du Code de la Sécurité Sociale qui prévoient que le numérateur est composé de 1 820 fois le SMIC horaire majoré des heures supplémentaires et complémentaires. à€ l'opposé, le dénominateur est composé de tous les éléments de rémunération soumis à  cotisations sociales. 

Dans ces conditions, force est de constater que la Cour de cassation ne pouvait pas approuver l'arrêt d'appel qui justifiait de l'intégration des indemnités de congés payés au numérateur sur la base d'une lecture erronée des dispositions de l'article D. 241-7 du Code de la Sécurité Sociale. 

Pour autant, il ne semble pas ressortir de cette décision que la Cour de cassation ait entendu expressément exclure les indemnités de congés payés du numérateur du coefficient de réduction générale, contrairement aux temps de pause pour lesquels elle a explicitement et définitivement considéré qu'ils devaient être exclus du numérateur.

En effet, l'argumentation développée par l'employeur sur la nature de la rémunération et l'assiette des cotisations n'était pas la bonne porte d'entrée pour obtenir l'intégration des indemnités de congés payés dans le calcul de la réduction générale. 

Il aurait peut-être été plus opportun d'argumenter sur la prise en compte des congés payés dans le forfait des 1 820 heures prévues au numérateur du coefficient de réduction générale ou encore sur l'absence de calcul pondéré de la réduction dans la mesure où il s'agit d'un maintien de salaire intégral en période d'absence.

Toutefois, la cotisante a surement souhaité se défendre au plus proche des termes utilisés par les agents du recouvrement dans leur lettre d'observations et sans entrer dans le détail des calculs de la réduction générale qui sont bien souvent étrangers aux magistrats.

En définitive et contrairement à  l'interprétation que l'URSSAF retient de cet arrêt, le débat sur l'intégration des indemnités de congés payés dans le numérateur du coefficient de réduction générale est loin d'être clos.


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